(Antoinette Duclaire)
Du clair de lune pour ta tombe
J’aime les personnes qui mâchent tranquillement leur mort au seuil de la mort
Mais ce jourd’hui je suis désespéré
J’ai retrouvé la saveur de mes larmes
Elles pleuvent sel à verse
Inondent mes joues
Flots terribles, impétueux et indomptables
Comme s’ils voulaient réveiller les zombies
Et fermer sa gueule au volcan assassin
En un rien de temps
Ma langue n’était plus capable de passer à gué
Bouche en crue !
Le voici donc
Le point de départ des pérégrinations d’un point d’interrogation infatigable
Ainsi
La nuit ne dort plus
Le jour se découvre nuit blanche
Pourquoi cette fois
Pourquoi une fois
Pourquoi
Ah ici ritournelle des fous de Saint-Antoine
Mais qui dévoilerait à l’intelligence
Le lieu de sa revanche fondatrice sur elle-même
L’urgence d’enquêter sur l’enquête
De faire le procès du procès
De mettre la main sur la main cachée gangreneuse et démêler son secret
A savoir
La face de l’ombre est l’ombre de sa face
Donc de retrouver la clé de la mounité
Jetée dans la béance du reste-avec et de la haine de soi
Qu’il y ait encore la possibilité de voir dans les yeux de l’enfance
Le sacrifice de la mort pour la vie digne
Du clair de lune pour ta tombe
Que le coude-à-coude de femmes et d’hommes de cette contrée de la terre
Puisse libérer le grand rêve ancestral du véritable universel
Du clair de lune pour ta tombe
Pour de nouveaux lodyanseurs et nouvelles lodyanseuses du soir
Un ultime soir
Comme le soir des Va-nu-pieds et des Sans-voix
Entonnant la Marseillaise dans la poésie de la Dessalinienne
Soir de la fulgurance mystique d’un im-monde gros d’un monde
Soir réinventant Le Petit Samedi Soir d’un verbe désormais libre
En chair et en os
Au nom de cette nouvelle lodyans
Du clair de lune pour ta tombe, Antoinette !
L’escadron de la mort
(Monferrier Dorval)
Encore victime de son cynisme radical
La foudre sort ses crocs
Et te croche rageusement en reniflant le procès du procès
Méthodique elle l’est
Mais ne sait enseigner son art
Que par les exemples des soldats et artisans de la mort
Le verbe perd ainsi son combat
Happé par la vacuité du front
Bâillonné par la mutité de la force brute
Par le bruissement de l’interdit
Le terrain est libre
Il reste hélas l’escadron de la mort et une poésie en perdition
Entre les deux
Un cimetière se reposant en paix
Et ses relents amusant les Vautours aux alentours
Sous le clin d’œil performatif de l’Aigle
Où sont passées les toges
Elles sont occupées à voiler la laideur
Répondrait-on
Maintenant que le mensonge est nu
On sait quels nombrils se prostituent avec l’Establishment
Quelle dignité vaut son pesant de corruption
Que l’avenir se cherche dans une botte de foin
Quoi qu’il en soit
Le deuil ne crachera pas sur ta tombe
L’ironie du deuil
(Jovenel Moïse)
Corruption cinq fois
Zéro fois procès du procès
Entre la couleuvre et sa queue
Le combat défierait l’intelligence
S’il ne dépliait pas sous les yeux de l’innocence la (tauto)logique de la sang-sue
Mais de là à cette rage qui s’est abattue sur toi
Dans cet angle de l’avers et du revers
La gêne est incommensurable
Elle nomme la profondeur abyssale du mal
Oui j’y pense
De plus en plus sérieusement
Depuis ce mal-être d’une vie en mal d’existence
À la manière du poète qui fait invoquer l’Afrique par un grain de sel
Je vois dans cet entrechoc le calvaire d’un projet de faire-monde
Condamné pour son insolence mais aussi par l’aliénation
Enfin l’appel populaire de l’Ultime soit pour (re)naître ou disparaître
Sur ce coup le hasard n’est pas assez rusé
On souhaitait tout de même qu’il triche
Pour déjouer cette danse sur le volcan
Au contraire
Se poursuivent tranquillement le complot contre le peuple
La tempête macabre du gain
Le chassé-croisé de la trahison
Dès lors confisqué par la compromission et la soumission
L’élan du bien-être et de la souveraineté tourne le dos aux espérances de l’Oncle
Choyer la nécessité politique des mains salles
Violer l’innocence de la promesse
Accoucher la vie de sa mort
Courtiser dans l’œuf les casques bottés
Telle est la vocation de l’élite
Ainsi parla l’Oncle Sam
Ainsi le tour a été joué
Et toi tu as bien joué
L’enquête se poursuivant
L’Ordre viendra du fin fond d’un désordre pourri
Si tu te reposes en paix
Ce qu’il reste de ton œuvre brillera en stèle tombale au musée de la propagande
Sous les reflets de n’importe quelle tombe du soldat inconnu
Exodos
Aidée par ses tripes et ses angoisses
Elle se lève péniblement
Mais gravement et décidément
En direction de l’horizon mystificateur
Elle poursuit vigoureusement sa migration
Innervée de rêves et de promesses
Scandée de douleurs et de désespoirs
Ponctuée de cauchemars et de deuils
Finalement
Persuadée de son pouvoir d’abattre l’hypocrisie de l’Universel
L’Indignation agite courageusement son étendard de la dignité
Depuis le pont de Del Rio jusqu’au département d’État
En clamant haut fort son bel axiome
Le visage humain sait démentir le Monstre, quand il advient
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